Scrum Master, Coach Agile, sont deux rôles que l’on qualifie souvent de “servant leader”. C’est un joli mot qui peut faire un peu rêver. L’altruisme dans le monde du travail est quelque chose de précieux, de magnifique, et cetera… Sauf que cela peut parfois épuiser, et garder sa propre motivation, à la longue, n’est pas forcément évident.

A/ Les difficultés

a.1 La neutralité

La neutralité est parmi les postures les plus compliquées à tenir. Nous avons tous un avis sur quelques sujets. Lors d’un conflit, difficile de ne pas prendre partie: il y des personnes avec lesquelles nous discutons, partageons plus facilement, avec lesquelles la complicité est naturelle.

Etre neutre est un travail constant sur soi-même, parfois éprouvant. Parfois, l’énergie consommée a refréné ses habitudes transforme les semaines de travail en chemin de croix, surtout qu’il est nécessaire de maintenir une attitude positive, de ne pas tomber dans la râlerie, de conserver son moral pour assumer son rôle de “servant leader”

a.2 La mise en retrait

A mon sens, il s’agit de deux points bien distincts.

  • D’une part, ne pas être force de proposition dès qu’un problème survient.
    Une des missions du coach / scrum master est de créer ou de maintenir l’autonomie de l’équipe. Bien que nous puissions avoir un historique professionnel nous permettant de proposer parfois la bonne solution pour un problème donné, il est nécessaire de ne rien en faire afin que l’équipe forge par elle-même ses réponses. Dans le cas contraire, on crée juste une nouvelle dépendance externe à celle-ci, contre-sens complet de ce qui est recherché. Bref… Parfois, il s’agit de ronger son frein, tout en aidant et facilitant les discussions entre les membres de l’équipe pour leur permettre d’arrive à leur fin. Un jeu d’équilibriste pas toujours simple…
  • D’autre part, ne pas se prévaloir des réussites, mais être solidaire des échecs.
    Nous facilitons les discussions, aidons à la prise de décisions, offrons un cadre dans lequel les sujets les plus complexes à aborder (motivation, compétences, échecs) ne mènent pas à lapidation dans les règles de l’art. Cependant – et cela se découle du paragraphe précédent – ”nous ne “faisons” rien”, d’un point de vue u produit. Lorsque l’équipe réussit à surmonter une difficulté, il faut savoir la valoriser avec la pleine conscience que c’est bien elle qui a été active. Elle bénéficiera ainsi de la pleine conscience de ce qu’elle fait. Qui plus est un levier de motivation important.
    Dans le cas d’un échec, au contraire, il est important d’être solidaire, d’être “dans la place” et de le faire honnêtement, avec bonne foi. En effet, pour pouvoir continuer à jouer son rôle de facilitateur, nous avons besoin de la confiance de l’équipe. Comment l’avoir si, lorsqu’elle se retrouve dans une impasse, on se contente de la prendre de haut / de prendre nos distances? Non, chaque échec doit être partagé par l’équipe et son coach, afin qu’ensemble nous puissions travailler sereinement à ne pas nous retrouver dans la même position plus tard.

a.3 Le dévouement

Cela semble couler de source. “Servant leader”. Ce n’est pas toujours évident à tenir, cependant. Qui n’a jamais eu de coups de mou, voir souhaité pouvoir passer une journée sans avoir le besoin d’adresser la parole à qui que ce soit? Le dévouement rime parfois avec abnégation. Et de temps à autre, cela peut peser – enfin, j’imagine que cela dépend de chacun, mais cela m’arrive, parfois…

a.4 Le mur de communication

Le coach / scrum master a également pour mission de favoriser et de pousser à la communication au sein de son / ses équipes. Equipes constituées d’informaticiens qui, pour certains, se trouvent à l’aise dans un travail où le dialogue est plus entre eux et des machines, qu’entre eux et leurs collègues. J’en ai fait parti, j’en parle sans aucun ressentiment ou jugement de valeurs. Ceci dit, certains jours, c’est plus compliqué que d’autres…

a.5 Le traditionnel: “mais que fait-il?”

On ne produit pas. On se met volontairement en retrait. Parfois, il arrive que certaines personnes – membres d’équipe ou non – se demandent ce que l’on fait, en dehors de passer son temps en réunion et à discuter. C’est normal, c’est humain, ce n’est pas si grave. Mais cela peut devenir usant, surtout lorsque les précédentes et les prochaines vacances sont lointaines…

 

B/ Quelques pistes

b.1 Echanger avec les autres Scrum Masters et s’évader

Parfois, il faut quitter son ou ses équipes. Allez voir dans les autres groupes, au sein de son entreprise, comment cela se passe. Chaque équipe et chaque coach a sa propre manière d’amener l’agilité, le Scrum. Il me semble important de s’offrir un temps de retrait, chaque semaine, au sein d’une équipe avec laquelle on ne travaille pas, uniquement pour observer la manière dont elle évolue et en apprendre.

Cela permettra de:

  • prendre du recul sur son propre travail,
  • se rassurer sur les difficultés qu’on peut éprouver en tant que facilitateur, ou que son / ses équipes rencontrent. Tout le monde en a. Même (surtout) le coach doit prendre conscience qu’il n’est pas un surhomme infaillible. Voir d’autres équipes se confronter à leurs propres problématiques peut aider énormément à se sortir de potentiel stress / exigence personnelle,
  • partager et découvrir d’autres points de vue, d’autres outils pour gérer telle ou telle situation. On ne sait pas tout, tout seul, dans son coin. Et même si la personnalité d’autres facilitateurs est complètement opposée de la nôtre, il y a beaucoup à apprendre dans ses échanges.

Un autre Scrum Master de mon entreprise est très ordonné, très factuel et anciennement plus du côté fonctionnel des projets. Je suis clairement moins rigoureux, plus porté par l’écoute – parfois excessive – , sur l’empathie et je suis un ancien développeur. Autant dire que nous n’avons pas la même compréhension de l’agilité et la même manière d’aborder nos métiers. Si au début, travailler ensemble était un peu compliqué, j’admets avec plaisir qu’au bout de quelques mois, j’ai beaucoup appris en partageant nos idées, nos réussites et nos échecs.

b.2 Ecrire! (un journal, un blog, whatever…)

Que les autres puissent parfois perdre de vu ce que l’on fait, c’est une chose…

Le métier de coach ne laisse pas beaucoup de traces visibles. Les choses fonctionnent mieux, certes, mais au final, n’est-ce pas parce que les équipes ont pris en main leurs autonomies et leurs responsabilités? Il peut arriver qu’on ne se souvienne plus de ce qu’on a fait, de ce qu’on a tâché d’amener, d’accompagner, au bout de plusieurs mois.

Ecrire, tenir un journal, un blog ou autre est un moyen de conserver une trace de nos activités afin de pouvoir y revenir, de se rappeler des différentes étapes du changement dont on est le catalyseur, ou encore des différentes situations un peu complexes que nous avons à gérer (problèmes de communication, de mauvaise orientation méthodologique, …). Une manière comme une autre de se rappeler qu’on ne fait pas rien.

b.3 Lire!

Lire des livres, des blogs, voir même profiter des transports pour regarder des screencasts est une très bonne manière de découvrir de nouveaux outils pour apporter encore et encore à son / ses équipes et varier un peu son quotidien. Rien de pire que de rester dans une routine installée, aussi bien pour le coach que pour n’importe quel membre d’équipe.

b.4 Appartenir à une communauté

J’avoue, il faut moi-même que je me pousse un bon coup. Mais je crois à l’importance de rencontrer d’autres agilistes hors de son entreprise. Les Scrumbeers et autres événements aident à faire partie d’un ensemble, à apprendre, à partager.