… voire est contre-productif.

On nous rabâche “soyez positifs dans ce que vous entreprenez” au travail, dans les relations interpersonnelles, vis à vis de soi-même, à tel point qu’il est possible de culpabiliser de ne pas l’être, ou de reprocher aux autres de ne pas positiver.

Le must étant d’y ajouter une couche de lâcher-prise (parce qu’il faut lâcher-prise, c’est important).

Cette injonction à être positif consiste à appréhender les événements sous un meilleur aspect, augmenter ses chances de succès, viser la réussite plutôt que le risque. Cependant l’aspect culpabilisant demeure : si tu ne réussis pas, c’est que tu n’es pas assez positif.

Pourtant il est vrai qu’être positif ou négatif a un impact sur ce que nous vivons. Il me semble donc utile de comprendre pourquoi et de quelle manière nous réagissons, neurologiquement.

 

Le cerveau réagit de manière cohérente dans un objectif de survie…

Il m’apparaît nécessaire, avant même de parler d'”être positif ou négatif”, de se poser un instant sur la manière dont nous réagissons aux stimuli, et de revenir rapidement sur le pourquoi.

Premier constat: le cerveau ne réagit pas de la même manière face à un stimulus positif et un autre négatif. La réaction de l’amygdale est plus importante, autant dans l’effet immédiat que dans la durée, dans le cas d’un stimulus négatif ( source: Not all emotions are created equal: The negativity bias in social-emotional development, Amrisha Vaish, Tobias Grossmann, and Amanda Woodward, 2008 ) .

Dans ce schéma (cliquable), provenant d’une autre étude, il n’est question que d’une réaction à des odeurs

 

Donc, donc… Nous passons plus de temps et plaçons plus de concentration dans la gestion de nos expériences négatives. Et cela est utile : on retrouve derrière les possibilités pour l’être humain d’avoir pu survivre en tant qu’espèce. Placer cette importance aux expériences négatives permet d’éviter un certain nombre de situations dangereuses, difficiles à vivre, générant du stress.

Il existe une hypothèse selon laquelle, de génération en génération et la sélection naturelle aidant, le cerveau humain a conservé une faculté à grossir les événements négatifs et à considérer les événements positifs dans une moindre mesure, certes chouettes, mais d’une utilité restreinte lorsqu’il est question de survie.

Bon, du coup, d’une, le “biais cognitif de négativité” trouve une explication probable dans la physiologie du cerveau, mais qui plus est, il nous a été sûrement très utile pour “élever” (si on peut le dire ainsi) l’espèce humaine à la marche où elle se trouve.

Bref… Pourquoi nous saouler avec le positivisme, nom de … ???

 

… et si votre seule envie est de survivre, ne changez rien !

Bon… ce n’est pas mon cas.

Donc, naturellement, je vais avoir une tendance à prêter plus d’attention aux situations négatives. Si je me contente de cela, je vais réussir à assurer ma possibilité à survivre jusqu’à ma mort, et qui plus est, je me suis reproduit : pour l’espèce humaine, ma responsabilité est OK (enfin, je n’ai qu’un enfant pour le moment, mais bon…).

Ceci dit, relationnellement, comment cela se passe?

Si je m’intéresse trop aux aspects négatifs, je vais forcément les communiquer aux autres. Les autres se retrouveront à réagir à un stimulus négatif. Il y a un effet de contagion.

Et, par ailleurs, suis-je si souvent confronté à des situations où ma survie est en jeu?

Je dois bien admettre que non. Une grande partie des décisions qui sont face à moi n’ont pas pour finalité d’assurer ma survie, mais plutôt mon bonheur, ma joie, mon contentement.

Aussi, ce n’est pas tant que le “biais cognitif du négativisme” m’empêche de prendre de bonnes décisions, plutôt que ce biais ne me permet pas de prendre des décisions conscientes et rationnelles dans certaines situations. Pour la survie il est indispensable. Pour être heureux, il va falloir trouver des clefs ailleurs.

Par contre… Il est inutile de culpabiliser les autres pour un “défaut de positivisme”. S’il vous est déjà arrivé que l’on vous reproche votre négativisme, il est important de comprendre que celui-ci est physiologique. Ce n’est pas [uniquement] que vous êtes une personne pénible.

 

Mais du coup, pourquoi chercher le positivisme? (parce que là, y’a tout et son contraire)

Etre positif aide essentiellement à ne pas voir le monde plus mauvais qu’il ne l’est et à ne pas se sentir systématiquement en train de survivre dans un environnement hostile.

Je vais l’écrire également dès maintenant : il manque des études [scientifiques, mais disons que cela allait de soi] pour montrer l’impact des émotions positives sur la manière de vivre. A la limite, sur les enfants, on ne réussit à distinguer de différences dans le comportement exploratoire et d’adaptation lorsque les sujets étaient soumis à des émotions neutres ou positives. Par contre, on remarque que des émotions négatives diminuent fortement la capacité à l’exploration et à l’adaptation.

Et, encore une fois, on n’a pas besoin de s’adapter ou d’explorer pour [sur]vivre. Après tout, chacun est libre de vivre comme il l’entend, si ce n’est que mettre trop en avant les événements négatifs engendre, encore une fois, une contagion de son environnement.

Réussir à dépasser les habitudes de notre cerveau (j’entends “cerveau” en tant qu’espèce, non en tant qu’individu) est faisable et demande quelques ressources. Par ailleurs, dans les articles sus-mentionnés, il n’est pas question de l’ensemble du cerveau, mais de la zone limbique de celui-ci. Nous avons également un cortex auquel nous pouvons faire appel, pour pouvoir créer une situation où on peut explorer plus facilement et / ou s’adapter.

 

 Et comment?

Premier point : ne pas omettre ni nier les émotions négatives. Il est nécessaire de les prendre en compte, ou elles finiront par exploser plus tard, sous une autre forme.

Ensuite, il est nécessaire de garder à l’esprit que se souvenir des émotions et moments positifs n’est pas naturel, au sens physiologique, et donc accepter au début que cela paraisse artificiel. Le mécanisme est artificiel, pas les émotions.

Et s’efforcer de lister pour soi plusieurs moments positifs, soit chacun jour, soit de manière cyclique, en rétrospective.

Il arrivera un moment où le mécanisme deviendra une habitude, une coutume, sur laquelle on pourra s’appuyer pour trouver le courage d’aller de l’avant.