Ceci est le troisième article de ce blog concernant la systémique… Il est peut-être temps de se pencher un peu plus sur la définition d’un “système”, tel qu’entendu par les systémiciens.

Ici, il sera question brièvement de ce qu’on entend par “système”, ansi que des propriétés des systèmes.

Emergence de la notion et définition

Si l’idée de système existe depuis bien longtemps (sûrement que nous pouvons remonter à l’antiquité), cet article s’intéresse à sa définition dans la Théorie générale des systèmes.

Cette fois-ci (contrairement à la cybernétique), l’histoire ne commence pas par des mathématiciens en quête de compréhension et de modélisation, ou par des “travailleurs de la psyché” (psychanalystes, psychiatres, socio-psychologues, …). Pour une fois, c’est un véritable scientifique appliqué qui est aux manoeuvres (hop, ça, c’est fait :P): Ludwig von Bertalanffy .

Sans revenir à l’ensemble de sa vie – qui est de toute manière disponible dans le lien ci-dessus – je me pencherai sur un “détail” de celle-ci: dans quelles circonstances von Bertalanffy se met en tête de poser cette Théorie générale des systèmes, en 68, avec quelques autres compères?

Il semble que – de sa part – il s’agit d’une réaction à la montée en puissance du Réductionnisme. Quand bien même il participa à certains travaux de cette approche, sûrement les réductionnistes sont allés trop loin à son goût dans la simplification des problèmes.

Pour résumer très brièvement et grossièrement le réductionnisme, l’idée est la suivante: “Range donc tout ce que tu n’arrives pas à expliquer soit dans la case “ça n’existe pas [vraiment]”, soit dans la case “C’est comme ça” “.

J’avais prévenu que le résumé allait être grossier, cependant c’est plus le résultat de la réaction de von Bertalanffy qui m’intéresse, que sa cause – si ce n’est que cela permet de comprendre les mots “entre les lignes” de la définition. Et pour en revenir à la définition d’un système:

Un système est un ensemble, un complexe d’éléments en interaction, qui sont ouverts et en interaction avec leur environnement.

Un système est l’objet de transformations progressives que l’on peut nommer croissance, développement, sénescence et mort.

Petit disclaimer: ce n’est pas la traduction exacte des mots de von Bertalanffy; cependant c’est un résumé consensuel.

Une fois posée cette définition, me vient l’envie de souligner deux choses importantes:

  • Un système est ouvert à son environnement. C’est une de ses caractéristiques inaliénables: tâcher d’étudier le comportement d’un système et le considérer comme un ensemble fermé et isolé mène à des non-sens ou des contre-sens. Et si on ne comprend pas quelque chose, il vaut mieux l’assumer comme “je ne le comprends pas et cela peut être complexe”, plutôt que de prôner l’inexistence ou l’invariabilité de cette chose.
  • Un système est dynamique et vivant. Il ne se contente pas d’une somme d’éléments qui s’agitent, il se transforme dans le temps. Etudier un système deux fois avec quelques années d’interval peut revenir à étudier deux systèmes différents. Cela paraît évident… Ceci dit, combien d’entre nous n’ont jamais dit: “Ah mais eux, je les connais! Je sais comment ils fonctionnent!” ? (Clairement, je me vois le dire, et l’avoir dit un certain nombre de fois…).

Voila pour la définition… Maintenant, passons aux propriétés des systèmes – vu que c’est grâce à celles-ci que nous pouvons bâtir des stratégies d’accompagnement…

Quelques propriétés des systèmes

Je ne vais pas me lancer dans l’énumération de toutes les propriétés d’un système… Juste 6 d’entre elles qui retiennent mon attention.

La totalité

De cette propriété viennent deux caractéristiques des systèmes:

  • La première est qu’un système ne se limite pas à la somme de ses parties. Parce que tous les éléments sont en interaction, celles-ci modifient et contribuent à la définition du système.
  • De plus, parce qu’un système est un ensemble d’éléments liés, tout changement d’un des éléments engendre un changement de l’ensemble des parts du système et le système lui-même.

L’émergence et l’adaptation

Un système étant ouvert, il se maintient dans l’adaptation aux changements issus des perturbations internes et externes. Tout ne peut être anticipé, surtout lorsqu’il est question des perturbations externes; les changements générés par des informations externes au système pourra forcer soit:

  • L’utilisation des règles de fonctionnement pré-existantes (régulation) pour maintenir son autonomie,
  • l’émergence de nouvelles règles de fonctionnement, interactions, qui touchera le système si celles disponibles ne sont pas suffisantes pour maintenir l’autonomie du  système.

L’équifinalité et multifinalité

Ces deux notions invalident toute utilité de rechercher les “root causes” aux situations :

  • Différents changements peuvent engendrer la même fin, surtout si le système est particulièrement bien régulé. C’est le principe d’équifinalité. Si on part de la fin pour expliquer un événement, on risque fortement d’identifier une mauvaise situation “de départ”, par l’entremise de nos croyances, biais, histoire qui teinteront notre “parcours en arrière”. Ainsi, les travaux sur les “root causes” parlent souvent plus de l’expérience des intervenants que de la situation étudiée.
  • Un même changement peut produire différentes fins. Tout simplement parce que le changement, au sein d’un système, va également être en interaction avec les changements externes au système, où à d’autres changements internes à celui-ci. On peut intuiter par là même qu’une solution qui a fonctionné un moment donné ne fonctionnera plus un peu plus tard.

L’homéostasie

Sujet déjà abordé dans cet article, l’homéostasie est à relier avec la propriété d’équifinalité des systèmes. Tant qu’il n’y a pas eu une émergence de nouvelles règles de fonctionnement du système, celui-ci tendra à retrouver son état “normal”. Un système est en changement permanent – parce que vivant – tout en se maintenant de manière autonome autour de sa finalité propre.

L’interactivité

Tous les éléments du système sont en interaction avec les autres, directement ou indirectement. Et le système est en interaction avec son environnement, ce qui revient à dire que tous les éléments d’un système sont en interaction directement ou indirectement avec l’écosystème du système.

Cela revient à dire qu’il est inutile de penser “isoler” un problème pour le traiter, puisque ce problème est en lien avec l’ensemble des éléments, et impacte l’ensemble des éléments. Un problème donné peut, d’ailleurs, être identifié comme tel pour un ou plusieurs éléments du système, et considéré à l’inverse comme un bien-fait pour d’autres. Ces derniers peuvent, d’ailleurs, par le mécanisme de feedback, maintenir le dit-problème, afin de continuer à bénéficier des retombées positives que ce problème créent pour eux.

Causalité circulaire

Par l’ensemble des propriétés précédentes, on peut comprendre que le principe cartésien “cause -> conséquence” est erroné. Chaque changement d’un élément engendre des réactions de l’ensemble des éléments du système, qui reviendront vers le premier et l’amènera à y réagir, et ainsi de suite.

La cause finit par devenir la conséquence d’elle-même.