Le naturel humain cherche à s’adapter en prenant en compte ce qui lui déplait, ce qui l’inquiète, afin de bâtir un ensemble de solutions, d’actions, pour progresser.
Les formations d’ingénieurs se basent pour beaucoup dessus, menant à une très forte pensée analytique:
– Etablir l’état des lieux
– Mettre en valeurs les problématiques
– Définir une solution adaptée à ces problématiques

Cette approche (analytique et naturelle) dispose de nombreux avantages au point que de beaucoup d’entreprises se fondent presqu’uniquement autour de celle-ci. Cependant, vu l’évolution de ces dites entreprises (IBM, Xerox et tant d’autres…), est-elle suffisante pour permettre à ses structures sociales complexes de survivre et continuer à évoluer? L’histoire semble dire le contraire…

1/ De l’approche systémique face à l’approche analytique.

1.1/ Distinction

Dès le début du livre “Manager par l’approche systémique“, Dominique Bériot décrit les deux approches de la manière suivante:

L’approche analytique se concentre sur l’analyse des problèmes dans une démarche exploratoire autour de ceux-ci à l’aide d’un panel de question. En raison de quoi? En raison de qui? En raison de quelles circonstances de lieux ou de temps? Potentiellement, elle utilisera également des outils tels que les “5 pourquoi”. L’objectif de cette démarche réside souvent dans la quête de la “cause première”, ou du moins d’une cause suffisamment proche de l’épicentre d’une problématique donnée dont on peut tirer un enseignement et bâtir un plan d’actions.

Approche analytique
Approche analytique

 

A contrario, Dominique Bériot introduit l’approche systémique dans le management comme une démarche se focalisant sur la situation dans laquelle on souhaite se trouver, pour ensuite bâtir les actions telles que des jalons qui, introduites dans le “système”, entraineront des changements qui seront à suivre afin de s’assurer que ceux-ci nous amènent bien vers notre cible – ou, potentiellement, de réviser notre cible. Dans cette approche, si les problématiques présentes sont prises en compte, celles-ci sont largement mises de côté: il n’y aura pas de recherche de cause, uniquement l’observation de l’objectif et du chemin permettant d’y parvenir.

Approche systémique
Approche systémique

 

1.2/ Les plus et moins

Approche analytique

PROs:

  • Naturelle (nous adoptons toujours cette réaction lorsqu’une difficulté intervient, nous sommes tous “formés” à cela),
  • Excellente pour trouver des actions à mener à court terme.

CONs:

  • Trop ciblée sur les problèmes, perte de vue d’une vision stratégique,
  • Noie les individus dans le quotidien à force d’analyse des problèmes présents, les empêchant de prendre du recul, de la hauteur,
  • Consommatrice de temps,
  • Peut mener à des actions complexes, à la fois décalées par rapport à une approche court terme tout en ne disposant pas d’accroche stratégique suffisamment solide pour être mise en oeuvre dans un long terme,
  • Peut tendre à se limiter à trouver un “coupable”.

Approche systémique

PROs:

  • Force la définition de l’objectif,
  • Alignée avec une démarche d’amélioration continue et itérative,
  • Limite la perte de temps tout en assurant que:
    • les actions et l’objectif sont toujours alignés,
    • l’objectif peut être remis en cause si la situation évolue.
  • Méliorative, amène la mobilisation.

CONs:

  • Contre-intuitive,
  • Peut mener à des actions difficiles à mettre en oeuvre à court terme

2/ De l’ACT face à la nature humaine

Il y a un parallèle intéressant à faire entre systémique et ACT, ainsi qu’entre analyse et nature humaine.

L’ACT (Acceptance and Commitments Therapy) est une méthode cognitive portant son attention sur la recherche de ses valeurs afin de définir ses actions plutôt que la fuite de ses peurs.

De ce fait, plutôt que de s’éloigner d’une situation désagréable en ayant les yeux braquée sur elle, au risque d’atterrir dans une autre bien pire, on s’interroge sur ses propres valeurs afin de définir un cheminement en adéquation avec celles-ci.

Encore une fois, la démarche n’est pas forcément naturelle. Dans une culture où l’échec est rarement permis, ou la peur est utilisée à toutes les sauces (comme outil politique, marketing, éducatif), revenir en arrière sur ces constructions qui remontent à l’enfance n’est pas aisé.

Admettons un expert dont l’une des valeurs est le partage des connaissances, dont les siennes. Sa situation dans son travail est confortable, ce qui lui permet de dédier une partie de son temps à l’accompagnement et à la formation des collègues moins expérimentés.

Modifions un peu la situation et mettons-le dans une forte possibilité de licenciement suite à des restrictions de budget, sans possibilité de retrouver un emploi rapidement. Combien d’entre nous, à sa place, continuerons à former d’autres personnes plutôt que de conserver cette expertise rare afin de demeurer indispensable, quitte à renier ses valeurs, quitte à passer à côté d’une opportunité de changer?

On fuit nos peurs
On fuit nos peurs
On converge vers nos valeurs
On converge vers nos valeurs

 

 

 

 

 

Ainsi, L’ACT propose de prendre le temps de se connaître, de reconnaître les valeurs qui nous inspire, pour ensuite agir en accord avec celles-ci. Cette démarche cherche un épanouissement au sein duquel on ne lutte pas contre ni ne fuit les moments négatifs, difficiles de nos vies. On apprend à les accepter pour ce qu’ils sont – en s’aidant par exemple de méditation – tout en restant aligné avec nous-même.

Nos valeurs sont certainement le plus puissant catalyseur de nos actions, également le plus valorisant et agréable à vivre.

3/ Versus ou conciliation?

Plutôt que de choisir l’une ou l’autre des approches, je trouve intéressant de le faire travailler de concert, en les liant avec la compréhension de ses valeurs.

Pour un groupe donné…

  • Travailler sur les valeurs du groupe (faire émerger des valeurs individuelles celles qui sont partagées par l’ensemble) afin de prendre conscience de ce qui le fera avancer en sérénité (et non dans la pression et la tension)
  • A partir d’une approche systémique, définir les objectifs sans questionner les problèmes rencontrés actuellement et en faire découler des actions à court terme qui devront être suivies,
  • Revoir régulièrement à l’aide d’une approche analytique si la situation actuelle face aux objectifs, en s’appuyant sur la capacité de remise en cause de celle-ci,
  • Reprendre une approche systémique si les actions ou les objectifs ne font plus sens.

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